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Quelle efficacité pour le Crédit d’Impôt Recherche ? Nouvelle évaluation de la CNEPI


La Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (CNEPI) et France Stratégie ont récemment publié un nouveau rapport d’évaluation qui présente l’impact du Crédit d’Impôt Recherche (CIR) sur l’augmentation des capacités en Recherche et Développement (R&D) des entreprises.

Sogedev vous propose une synthèse des différents points abordés attestant de l’efficacité du dispositif : un effet de levier positif sur l’activité de R&D des bénéficiaires, une augmentation de l’effort d’innovation et un impact direct sur l’embauche de personnel dédié.

⇒ Etat des lieux du Crédit d’Impôt Recherche

Avec le CIR, la France offre l’un des dispositifs fiscaux le plus généreux en faveur de la Recherche & Développement. Les entreprises bénéficient aujourd’hui d’un taux de crédit d’impôt de 30% pour un montant déclaré inférieur à 100 millions d’euros, puis 5% passé ce seuil.

Le CIR est la 2ème dépense fiscale de l’Etat, avec 6,1% du total, ce qui représente 6 milliards d’euros de dépenses fiscales pour 20 179 bénéficiaires (sur la base de 25 597 déclarants) et près de 60% des aides publiques à l’innovation.

Le dispositif a su démontrer son utilité pour soutenir la croissance des entreprises : la part d’entreprises qui mènent des activités de R&D sans faire de demande de CIR a été divisée par deux entre 2006 et 2011 (de 60% à 30%).

⇒ Qui sont les bénéficiaires ?

En 2015, les entreprises de moins de 250 salariés (PME) représentaient 94,9% des bénéficiaires du CIR et 34% de la créance recherche du CIR. Par ailleurs, les entreprises de moins de 10 salariés, qui représentent près de la moitié des déclarants (46%), déclarent en moyenne environ 186 000 euros de dépenses, soit 55 800 euros de CIR . Le seuil de 100 millions d’euros de dépenses de R&D déclarées est rarement atteint (16 entreprises).

Concernant la répartition de la créance de CIR selon les secteurs d’activité, la part des métiers liés au numérique est de plus en plus forte dans les dépenses de R&D. Le regroupement des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication) représente à lui seul 54,5% de la créance de CIR allouée avec 39,4% dans le secteur des services (conseil et assistance informatique, services d’architecture et d’ingénierie, commerce) et 15,1% dans l’industrie électrique et électronique.

Les secteurs manufacturiers plus traditionnels représentent au total 43,2% de la créance, dont 10% pour la pharmacie, parfumerie et entretien, 6,7% pour l’industrie automobile, 6,1% pour la construction navale, de l’aéronautique et du ferroviaire, et 5,5% pour la chimie, caoutchouc et plastiques.

⇒ L’efficacité de la réforme du CIR de 2008

Le CIR a subi une réforme d’envergure en 2008 en passant d’un calcul sur l’accroissement des dépenses de R&D des entreprises à un calcul uniquement basé sur le volume des dépenses. Quelle a été l’efficacité de cette réforme ?

L’étude d’impact de la CNEPI et de France Stratégies met en avant la réelle contribution de la réforme dans la stabilisation et le redressement de l’effort en R&D des entreprises, venant ainsi contrer les effets de la crise de 2008-2009. Sans cette évolution, le processus de désindustrialisation et le déclin des efforts de R&D observés en France sur les dernières années aurait eu un impact bien plus important. L’étude estime également qu’en l’absence de la réforme, la R&D des entreprises en France se serait réduite d’environ 7% entre 2007 et 2009.

Grâce à la réforme, chaque euro de dépense publique additionnelle via le CIR conduirait à long terme à une augmentation de PIB comprise entre 2,3 et 4,5 euros. En 2015, la France était au 3ème rang mondial des pays où le rapport entre l’ensemble des aides à la R&D privée et le PIB du pays est le plus élevé, derrière la Russie et la Belgique. Elle était également au 3ème rang des pays accueillant le plus de projets de centres de R&D, avec 78 projets en 2017.

⇒ L’impact positif du CIR sur la R&D et son effet de levier incontesté

Le CIR a eu un effet multiplicateur sur l’activité de R&D des bénéficiaires. Des études économétriques ont été menées pour calculer l’impact qu’un euro additionnel d’aide publique alloué avec le CIR exerce sur les dépenses de R&D des entreprises bénéficiaires. Trois études démontrent un effet de levier supérieur à 1 : pour 1€ d’aide publique allouée via le CIR, les entreprises bénéficiaires dépensent entre 1,2 et 1,5€ (selon les études) supplémentaires en R&D. Les entreprises qui bénéficiaient déjà du CIR avant la réforme de 2008 ont augmenté leurs dépenses de R&D d’un montant égal ou légèrement supérieur à celui de l’aide fiscale reçue.

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L’impact sur l’intensité de R&D a été de +22,9% dans les entreprises de moins de 50 personnes, +16,8% de 50 à 1 499 personnes et +14,6% pour les entreprises de plus de 1000 personnes.

⇒ Un impact positif également observé sur l’effort d’innovation

Depuis la réforme de 2008, la probabilité qu’une entreprise bénéficiaire du CIR dépose un brevet a sensiblement augmenté (de l’ordre de 5% entre 2008 et 2011). Il faut prendre en compte dans ce résultat le facteur temporel entre le projet de R&D et la traduction en dépôt de brevet, qui peut prendre plusieurs années.

L’enquête européenne sur l’innovation de 2018 démontre que le CIR a eu des effets positifs d’une part, sur la probabilité qu’une entreprise développe des produits nouveaux en son sein et d’autre part, sur la probabilité qu’elle introduise des produits nouveaux pour le marché (en hausse de 2,5% sur le long terme). Cette probabilité est plus forte pour les entreprises de 50 à 1 499 salariés et surtout pour les entreprises de petite taille (moins de 50 personnes). De plus, les nouveaux produits ont plus de probabilités de peser dans le chiffre d’affaires total de l’entreprise.

La réforme du Crédit d’Impôt Recherche a également eu un effet positif sur la productivité : les études observent une augmentation de productivité du travail de 1,7% en moyenne dans les quatre années qui suivent l’obtention de l’aide. On estime au total que près d’un sixième de ces gains de productivité observés sont dus à l’effet du CIR.

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⇒ L’impact du CIR sur l’embauche des jeunes docteurs

Le CIR a permis de réduire considérablement la période entre l’obtention du diplôme et le premier emploi des diplômés de doctorat, notamment les docteurs-ingénieurs. Les résultats positifs sont d’autant plus significatifs dans les entreprises de moins de 200 salariés. Le nombre d’entreprises utilisant le dispositif « Jeunes docteurs » a quadruplé entre 2007 et 2015 (de 439 à 1 890).

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Malgré tous les impacts positifs et les possibilités de développement qu’offre le CIR, de nombreuses entreprises répondant aux critères d’éligibilité ne réalisent malheureusement pas les démarches pour bénéficier de cette aide au financement de leurs projets innovants.

⇒ Les freins au CIR

L’étude relève des raisons pouvant freiner les entreprises dans la demande de Crédit Impôt Recherche.

• Un manque de connaissance du dispositif

Dans le cas des jeunes entreprises ne faisant pas ou peu de bénéfices, elles pensent souvent ne pas remplir les critères pour bénéficier d’un Crédit d’Impôt Recherche. Pourtant, elles peuvent tout à fait être éligibles à ce dispositif car le CIR est ouvert à toutes les entreprises, peu importe la taille et la forme juridique, que l’entreprise soit bénéficiaire ou pas. Cette aide est d’ailleurs cumulable avec le statut Jeune Entreprise Innovante (JEI) qui offre également des avantages fiscaux et sociaux complémentaires.

• Des lourdeurs administratives

De plus, la demande de CIR entraîne également des procédures administratives strictes qui peuvent être chronophages : vérification des critères d’éligibilité des projets, collecte des informations, envoi du formulaire, rédaction du dossier technique, suivi de la demande, gestion des éventuels contrôles fiscaux… Le manque de temps et de ressources en interne peut freiner les entreprises qui ne font pas appel à des experts pour les accompagner dans leur demande d’aide.

• Une sélection complexe des projets éligibles

Pour finir, les entreprises ont souvent des difficultés à distinguer quels projets sont éligibles au CIR et quelles dépenses peuvent être déclarées. Ces dépenses sont strictement définies et encadrées par les textes légaux (art. L244 Quater B du CGI) et elles dépendent de la nature de travaux réalisés en R&D et innovation.

⇒ Une nouvelle évaluation lancée début 2019

Pour compléter ces résultats, la CNEPI a lancé début 2019 une seconde phase d’évaluation du CIR avec une nouvelle série d’études microéconomiques et macroéconomiques pour continuer d’appréhender l’efficacité du dispositif.