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Guide du CIR 2023 : nouveautés et analyse

En coopération avec ses avocats partenaires, Sogedev se tient informé des évolutions législatives, réglementaires et jurisprudentielles susceptibles d’avoir un impact sur son activité et celle de ses clients. Cet article comprend une analyse du Guide du CIR 2023 réalisé par Sogedev et ses avocats partenaires.

Contexte

Cette année, le guide apporte un éclairage nouveau sur les points clés de caractérisation et justification du fond technique d’une opération de Recherche & Développement (R&D) et se place dans la droite lignée des récentes décisions en matière de justification de la matérialité des dépenses associées, notamment en matière de frais de personnel.

Cette publication est en outre accompagnée d’une nouvelle nomenclature des domaines de R&D à préciser dans le dossier justificatif du CIR (avec plus de 800 sous-domaines listés), d’une nouvelle version du tableau de synthèse financière ainsi que d’un nouveau modèle de dossier à l’appui des demandes d’agrément CIR.

Définition et justification de la R&D : des précisions bienvenues mais contraignantes

Concernant les éléments permettant de caractériser et justifier le fond technique d’une opération de R&D éligible au CIR, le guide propose désormais en annexe V des définitions plus claires et explicites des indicateurs et éléments clés caractéristiques d’une opération de R&D (difficulté, verrous, état de l’art, démarche scientifique…). Ces définitions apportent un éclairage bienvenu pour mieux appréhender les explications concernant les 5 critères de Frascati à respecter pour caractériser une opération de R&D éligible au CIR.

Pour autant, ils impliquent nécessairement à la fois une exigence accrue des attendus des experts (qui suivent pour rappel, les recommandations du guide en matière de justification) et imposent une logique de suivi, organisation et plan de présentation de la R&D figée et parfois très éloignée du terrain. Les inspecteurs exigeant, avant transmission à un expert, un strict respect du plan de justification imposé depuis 2018 par le MESRI, avec ces nouveaux compléments, la liberté de présentation s’en trouve encore plus réduite, ce qui peut pénaliser voire exclure certaines opérations de R&D (notamment en matière de sciences humaines et sociales, mais aussi en cas de découvertes techniques et scientifiques fortuites). Enfin, même en regard d’une recherche purement fondamentale, ce plan de justification avec les nouvelles exigences imposées semble assez peu adapté (comment planifier et budgétiser une recherche fondamentale ? Quelle difficulté formaliser quand l’objectif est de purement expliquer un nouveau phénomène ou construire une nouvelle théorie ?).

Par ailleurs, si le caractère systématique de travaux engagés au titre d’une opération de R&D implique nécessairement un suivi consigné du projet, on peut regretter les recommandations usuelles du guide du CIR selon lesquelles la rédaction du dossier, selon le formalisme imposé depuis 2018, doit être réalisée en parallèle de l’opération. Ce qui tend à s’opposer aux recommandations et pratiques de la recherche académique en matière de rédaction scientifique qui supposent de formaliser et rendre compte des résultats de sa recherche a posteriori pour avoir le recul nécessaire pour mettre en avant l’amendement à l’état de l’art issu du projet. Et consigner sa R&D au fur et à mesure de son avancement, n’est pas formaliser selon un plan imposé adapté à une mise en avant dès le début des contributions et amendements à l’état de l’art.

Dépenses de R&D : vers une justification ultra détaillée et tracée de la matérialité des dépenses affectées à la R&D

Concernant les dépenses, les nouveautés concernent notamment les frais de personnel, avec une exigence accrue en ligne avec les récentes décisions (1) qui ont suivi celle de Publicis Groupe, (2) qui imposent désormais de devoir décrire unitairement la contribution et le contenu exact des tâches effectuées par les salariés valorisés tout en démontrant comment ces tâches concourent effectivement à la réalisation des opérations de R&D valorisées.

Cette nouvelle exigence se matérialise dans le tableau de synthèse financière du MESRI qui va jusqu’à la demande de justification du temps consacré aux différentes phases et tâches conduites dans le cadre de l’opération de R&D plutôt qu’à l’opération dans son ensemble. Outre qu’un tel suivi de temps aussi détaillé, à remplir aussi bien pour la R&D que pour les autres activités, semble peu applicable concrètement ou même aligné avec la vie d’une entreprise, il ouvre la porte à des interprétations quant à la nécessité des tâches vis-à-vis de l’opération de R&D (comme pour la décision de la Cour Administrative d’Appel FNAMS (3) préalable à la décision du Conseil d’état (4)), qui conduira mécaniquement à une réduction de la valorisation des frais de personnel de la part de l’administration décorrélée de la réalité de l’investissement et effort que représente une activité de R&D dans son ensemble pour une entreprise.

Pour compléter cette analyse, la pratique montre que l’administration est en avance de phase vis-à-vis de cette publication puisqu’elle demande désormais tout un jeu de documents pour justifier des frais de personnel retenus dans la détermination du CIR, en plus d’un suivi de temps précis et horodaté et des habituels CV & Diplômes :

  • Contribution unitaire des personnes affectées aux opérations de R&D,
  • Contrat/fiche de poste devant mentionner explicitement des tâches/activités de recherche et développement,
  • Comptes-rendus d’activités de R&D,
  • Planning de réalisation des travaux.

Nul doute que le modèle de justification des opérations de R&D mis en ligne par le MESRI en août 2018 est voué à évoluer pour s’aligner avec ces nouvelles exigences.

A noter

Pour le domaine de l’archéologie, le guide 2023 maintient sa grille d’analyse des différentes phases et sous-phases d’un projet relevant de l’archéologie pour déterminer l’éligibilité au CIR ou non, des dépenses associées. Si les experts utilisent cette grille pour analyser l’éligibilité d’une opération de R&D relevant de l’archéologie et des dépenses associées, attendant qu’elle soit reprise et complétée avec les informations des projets et dépenses associées pour leur justification, la jurisprudence récente est venue rappeler que le respect du formalisme de ce guide ne s’imposait pas au contribuable dès lors que la société apporte des éléments précis et rigoureux de justification du temps consacré à la R&D ainsi que de la nécessité des différentes tâches conduites vis-à-vis d’une opération de R&D. (5) (6)

Nouveau formalisme de présentation d’une opération de R&D pour les demandes d’agrément

Avec la mise en ligne de sa page dédiée à ce nouveau guide, le MESRI a aussi mis à disposition un nouveau modèle de présentation d’une opération de R&D pour les sociétés souhaitant demander un agrément CIR. Le plan est nettement plus détaillé, reprenant pour l’essentiel le plan de justification du CIR proposé par le MESRI depuis 2018. Il s’aligne sur les recommandations du guide du CIR 2023 en matière de justification des frais de personnel en demandant la description des contributions des personnes dédiées à l’opération, même si l’obligation de description des coûts de l’opération a disparu.

Ces nouvelles modalités de présentation d’une opération de R&D peuvent s’avérer particulièrement dommageables pour les entreprises qui n’investissent pas dans des opérations de R&D en propre, ou ne participent à titre indispensable à des opérations de R&D portés par des donneurs d’ordre qu’au titre de tâches d’analyses, ou plus généralement de tâches, ou ne constituant pas des opérations de R&D en soit. Car, dans ce cas précis, alors que ce guide recite encore une fois la jurisprudence FNAMS du Conseil d’état, les sous-traitants tels que ceux validés dans cette décision seront dans l’incapacité de pouvoir demander ou renouveler leur agrément CIR sauf à ce que leur donneur d’ordre leur communique des informations d’ordre confidentiel concernant leurs propres opérations de R&D.

Par ailleurs, pour ceux qui doivent renouveler leur agrément CIR cette année, si le décret n° 2021-784 du 18 juin 2021 précise bien que le renouvellement doit être effectif avant la fin de l’année d’expiration de l’agrément CIR en cours, le service public indique que ces renouvellements doivent être envoyés avant le 30 novembre. (7)

Avec la publication toute fin octobre de ce nouveau modèle (sur la page dédiée au CIR autant que la page dédiée aux agréments CIR), les sociétés ont tout juste un mois pour s’approprier ce nouveau modèle de présentation des opérations de R&D.

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Spécialisé dans la sécurisation et l’obtention de financements publics depuis 2002, le cabinet Sogedev vous accompagne durant toutes vos déclarations : audit de vos projets, calcul du montant de l’aide, rédaction du dossier, accompagnement en cas de contrôle fiscal…

Contactez-nous par téléphone au 01 55 95 80 08 ou par e-mail à l’adresse suivante : mgarnier@sogedev.com.


(1) TA Montpellier, 2e ch., 26 déc. 2022, n° 2005348, SAS SEG ; TA Melun, 3e ch., 30 mars 2023, n° 1904423, (SAS) Casanova CAA Toulouse, 1re ch., 16 mars 2023, n° 21TL01556, Société Hexis;

(2) CE, 9ème – 10ème chambres réunies, 19/05/2021, 432370, Publicis Groupe

(3) CAA de PARIS, 5ème chambre, 20/12/2018, 18PA00256, CAA de PARIS, 5ème chambre, 20/12/2018, 18PA00256

(4) CE, 9-10 ch, 22 juill. 2020, n° 428127, FNAMS

(5) CAA de Toulouse, 1ère chambre, 12 octobre 2023, 22TL00427, Chronoterre Archéologie

(6) CAA Bordeaux, 5e ch. (formation à 3), 17 oct. 2023, n° 21BX00597, (SAS) Eveha services administration

(7) https://entreprendre.service-public.fr/vosdroits/F35438